Souvenir de séances de prévention dans un collège parisien, classe de 3ème. Je viens présenter bénévolement La Ligue contre le Cancer et j’accompagne un médecin intervenant sur le soleil, l’alimentation, l’activité physique, l’alcool, le tabac, autant de facteurs de risques de cancer, j’interviens aussi sur le tabagisme. Lorsque je rappelle que plus de 50% des cancers pourraient être évités, 50% des élèves regardent leur S-aime-S. Je concluais souvent la séance en rappelant que la santé est un bien précieux, mais c’est souvent lorsqu’on la perd qu’on s’en rend compte. Alors parfois je note le ton « violent » pour moi employé par le médecin présent. Celui qui les compte dans la classe et leur dit que oui, sur 30 élèves, beaucoup vont mourir de cancer. Ils sont jeunes, ils ne se projettent pas dans l’avenir (et c’est normal à l’adolescence) et pourtant je me dis que ce travail de fourmi est nécessaire. « Maman qui fume à 12 ans, maman qui meurt à 32 ans », ça les marque. Le poids des maux, le choc des propos. Bon j’évite de dire que j’étais en bonne santé quand j’ai découvert « mon cancer ». Je réponds à celui qui me demande s’il faut choisir entre la cocaïne ou le tabac qu’on doit sans doute mourir plus vite avec la cocaïne (et puis j’ai le droit puisqu’un médecin l’a dit). Je décide de ne pas lui parler de la fois où j’ai assisté à l’autopsie d’un drogué trouvé mort dans une cave (j’ai fait des trucs moi !). Parfois je souris aux questions cons : « Madame, vous avez déjà fumé du thé ? », « Madame, est-ce qu’on peut donner de la chimio à un chien ? ». C’est l’intervention d’un cancérologue, le Dr Claude Maylin que je vais remarquer. Quand il parle du cancer, il emploi le terme de tsunami. C’est ça pour moi. Une vague fracassante, l’explosion de quelque chose, un emportement vers un autre monde dont il va falloir revenir un jour, sans doute grâce à des passeurs. Un tsunami dans la vie d’une personne et sa famille.
Cette explosion, c’est une mise à nu. C’est comme la coquille d’un noyau dur qui se brise. Ne reste que l’écorce de l’être, fragile et vulnérable. Alors cette coquille, cette nouvelle peau, différente, elle prend du temps pour se reconstituer. Et pour cela, ces humains à l’extrême, ces personnes malades touchées à vif dans leurs chairs ont besoin près d’eux, d’êtres extrêmement humains.