« Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte », j’ai toujours aimé cette phrase d’Albert Cohen. Car on est seul le soir dans son lit d’hôpital particulièrement en secteur stérile. On peut être très entouré en journée mais on est vraiment seul quand même. Le soir, l’angoisse nous accompagne et nos amis, les antidépresseurs sont là aussi. On est seul face à l’incertitude de l’issue de la maladie. Si je pouvais partager mon inquiétude en journée, elle me revenait en boomerang la nuit. Ce n’était pas une solitude accablante, ce n’était qu’une solitude réaliste. Au retour au domicile, souvent j’ai été seule chez moi lors de l’arrêt maladie. En journée, tout le monde travaille, moi, c’est mon esprit qui travaillait. Bien sûr, les premiers temps, l’entourage est très présent, mais il a aussi une vie à lui l’entourage. Une lassitude peut voir le jour et c’est bien normal. Parfois, cet isolement au domicile a été rompu par des conversations sur des forums de discussion mais rapidement j’ai constaté que rien ne peut remplacer la parole humaine, l’échange véritable entre deux êtres. J’aurais peut-être du occuper plus mes mains car ça aurait aussi occupé mon esprit. Ah, si j’avais pu apprendre à tricoter ! Ça aurait fait plaisir à mamie ! Quel temps perdu ! Mais, j’ai appris de cette solitude. Je l’ai redécouverte bénéfique. D’abord, j’ai compris qu’on est seul face à ses choix dans la vie de toute façon. Puis, j’ai retrouvé le plaisir d’aller me promener seule dans Paris. Je me souviens très bien du jour où j’ai pu marcher deux heures de suite sans trop de peine ou monter les marches du métro en courant ; un exploit encore en tête même s’il remonte à plusieurs années déjà. Voyager seule a été une découverte ensuite, un enrichissement personnel, une confrontation avec soi-même.
Ces moments de solitude voire de silence sont devenus un vrai besoin aujourd’hui, ce sont des moments de ressourcement. Et puis j’ai fait une rencontre étonnante en prenant le risque d’être seule parfois : moi-même.