Nettoyage à sec : en finir avec le perchlo ? | la maison du cancer

0

Cette odeur de pressing, on la reconnaît entre toutes. C’est celle du perchloroéthylène, « perchlo » de son petit nom. Si la blanchisserie professionnelle est encore loin d’imposer des produits de substitution moins toxiques, quelques technologies alternatives émergent en France, parmi lesquelles le nettoyage à base de silicone liquide ou … à l’eau.

Mis à l’index depuis une dizaine d’années, le perchloroéthylène utilisé pour le nettoyage à sec est classé depuis 1995 comme « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer. La toxicité de cet hydrocarbure chloré est d’ailleurs avérée pour le système nerveux et les reins. Selon le Haut Conseil de la santé publique et l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), « certaines études épidémiologiques suggèrent des associations positives entre l’exposition au perchloroéthylène et le risque de lymphomes non hodgkiniens et de cancers de l’œsophage et du col de l’utérus »(1).

Un rapport accablant

Les campagnes de mesures réalisées depuis 2000 par l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) dans des immeubles abritant des pressings ont montré la possibilité de « contaminations » par le perchlo des appartements situés au-dessus des boutiques. Les niveaux mesurés pouvaient dépasser de 25 à 130 fois la valeur guide de qualité d’air intérieur de l’Afsset – non disponible à l’époque.

En octobre 2008, le ministère du Développement durable a donc lancé une « opération coup de poing » auprès de 275 pressings : la non conformité des installations avec la réglementation a été constatée pour deux tiers d’entre eux.

« Le perchlo n’est pas un produit anodin, reconnaît Pierre Letourneur, président de la Fédération française des pressings et des blanchisseries. S’il est utilisé dans de bonnes conditions, c’est-à-dire avec du matériel conforme et de bonnes pratiques, on arrive à des expositions des salariés et du voisinage pour lesquelles on n’a démontré aucun effet toxique à ce jour. »

Un plan d’actions a depuis été mis en œuvre par le ministère et les syndicats de la profession. Une réglementation renforcée est entrée en vigueur l’été dernier. Elle impose l’utilisation d’un filtre à charbon pour limiter les émanations, une ventilation mécanique 24 heures sur 24, des contrôles tous les cinq ans. « Et surtout une meilleure formation du personnel », souligne le président.

Un modèle dominant

En France, 95 % des pressings (soit 4 500 boutiques) utilisent des machines fonctionnant avec ce solvant organique, tout en ayant recours à l’eau pour 25 % des vêtements. On estime que 8 200 tonnes de perchlo sont émises chaque année dans l’air et que plus de 12 000 salariés sont exposés professionnellement. « Aucun cancer n’a été déclaré en maladie professionnelle, précise Pierre Letourneur. Notre secteur est en revanche touché par des troubles musculo-squelettiques liés aux gestes répétitifs. Quant aux consommateurs, on leur conseille d’aérer les vêtements qui sortent du pressing hors de leurs housses (et si possible à l’air libre) avant de les porter.

Alors que le perchlo devrait être interdit dans certains états américains en 2020, rien n’est prévu en ce sens en Europe, où les technologies de substitution sont encore timides. En France, trois alternatives existent (2) :

• La technologie américaine GreenEarthTM, représentée par la franchise Sequoia, est proposée par une vingtaine de pressings en France (3). Il s’agit d’un nettoyage à sec à base de siloxane D5, un solvant dérivé du silicone. Aucune étude toxicologique n’a encore été réalisée en France sur ce procédé inodore et efficace (j’ai testé pour vous !), jugé a priori beaucoup moins nocif que le perchlo, mais beaucoup plus consommateur en énergie et en eau. Le caractère inflammable du siloxane requiert toutefois un équipement sécurisé coûteux.

• Quelque 500 boutiques (Aqualogia, Lagoon 4 …) proposent l’aquanettoyage (aussi appelé « nettoyage au mouillé » ou wetcleaning), à base d’eau comme son nom l’indique. Environ 70 % des textiles sont adaptés à ce procédé. Non toxique, il exige de la main d’œuvre et du pré-détachage. On lui reproche de générer une grande quantité d’eaux usées, de nécessiter un long séchage et de détériorer plus rapidement certains tissus. Les détergents et additifs utilisés ne sont a priori pas écologiques.

• Opérationnelle dans une centaine de pressings, la technique au KWL utilise un hydrocarbure inodore et non volatile. Peu d’études ont été réalisées à ce jour sur la toxicité de ce solvant plus doux, jugée moins forte que celle du perchlo. Il est toutefois bien moins efficace que le perchlo pour les taches d’huile et de graisse.

« D’autres solvants sont à l’étude, conclut Pierre Letourneur, mais nous n’aurons pas de données fiables avant cinq ou six ans, d’où l’intérêt de renforcer les bonnes pratiques dans les pressings existants. »

Catherine Levesque

(1) Rapport de juin 2010  

(2) Comparatif sur le site de Fédération française des pressings et des blanchisseries 

(3) Le site Séquoia

(4) Pour trouver les boutiques Lagoon 

Inspection des installations classées

Le site de l’INRS