Le cancer de la prostate, dont le nombre augmente, est pourtant toujours l’objet de tabous liés à la dimension intime de cette maladie. L’expérience suisse des « Prostate cafés » tente de les lever.
Les suisses osent parler de ce qui dérange : cancer et prostate ! Chez eux, chaque année, 5 300 hommes sont touchés par ce cancer et 1 300 d’entre eux en décèdent. Une situation qui a incité à la création d’une formule originale et courageuse : les « Prostate Cafés », espace d’accueil solidaire et convivial où peuvent être abordées, librement et de façon anonyme, les difficultés physiques et psychiques liés à ce mal.
A l’origine de cette expérience, l’association suisse Prosca, née en 2003 pour soutenir les personnes touchées par cette maladie. Elle a créé, en partenariat avec la Ligue Genevoise contre le Cancer, une « hotline » pour répondre à leurs interrogations. Prosca compte aujourd’hui 160 membres ; elle organise quatre colloques annuels durant lesquels des professionnels (urologues, chirurgiens, cancérologues, psychologues…) évoquent les différents thèmes liés à la maladie.
Le forum « Entre nous », finalement ouvert au grand public en 2009, a mis à jour un énorme besoin de paroles autour du cancer de la prostate et des questions taboues que ses traitements engendrent : incontinence, problèmes érectiles… Il fallait trouver un lieu où ses échanges soient facilités.
Or où se retrouvent le plus souvent les hommes pour discuter entre eux ? Au Café bien sûr ! Dans un restaurant genevois, tout un étage leur est désormais réservé. Le premier « Prostate Café » s’est tenu le 13 octobre et a rencontré un vif succès, (plusieurs couples sont venus) et le prochain aura lieu le 17 novembre.
Le principe : deux parrains (des hommes ex- malades d’un cancer de la prostate) et une marraine (épouse qui a accompagné son mari dans la maladie) accueillent six personnes par tablée. Leur rôle est d’encadrer et animer les échanges. Nul n’est tenu de décliner son identité, le respect de la plus stricte confidentialité étant la règle n°1. La règle n°2 est que les parrains ont tous reçu une formation spécifique à l’écoute active et à la gestion des émotions. Ils sont également formés à la connaissance de la maladie et sont suivis toutes les 4 à 6 semaines lors de commissions de parrainage rigoureuses et professionnelles. Ils font alors le point sur les questions et les cas qui ont été soulevés.
Les hommes viennent seuls ou avec leur compagne, tant il est vrai que le cancer de la prostate est aussi une affaire de couple. Ils s’interrogent sur le choix du meilleur traitement, échangent leurs expériences et leurs doutes, s’informent par rapport à un dépistage précoce et intelligent (ce n’est pas parce que le taux de PSA augmente qu’il y a forcément cancer ; il suffit d’avoir fait du sport ou d’avoir eu des rapports sexuels avec éjaculation avant la prise de sang pour que le taux de PSA s’en trouve augmenté), envisagent une surveillance active de l’évolution parfois indolente de leur cancer plutôt qu’une opération programmée par un chirurgien pressé. Ce qui ne manquerait pas d’avoir des conséquences sur leur autonomie, etc. « C’est bien de trouver un endroit et des personnes formées avec qui on peut discuter librement, aborder des questions difficiles, et tout cela de manière ouverte et sans tabou », témoigne un participant de ce premier « Prostate Café », relayant le sentiment des autres hommes présents.
Si culturellement les femmes ont été plus enclines à s’occuper de leur santé que les hommes, ces derniers sont en train de leur emboîter le pas, afin de prendre une part toujours plus active dans le traitement de cette maladie.
Stéphanie Honoré