A 55 ans, et à sa grande surprise car elle avait un « mode de vie sain », la relaxologue Geneviève Manent a dû se battre contre un cancer du côlon. Quinze ans plus tard, elle revient sur cette expérience qui l’a transformée en profondeur.
« Spécialiste de la relaxation, férue de médecines douces, adepte d’un mode de vie sain, je n’avais a priori aucun facteur de risque majeur qui aurait pu précipiter la survenue d’un cancer. Pourtant, la maladie s’est déclarée à l’âge de 55 ans. Quelques mois avant qu’un médecin me confirme le diagnostic, j’avais pourtant de nombreux symptômes (état d’épuisement, saignements dans les selles, maux de ventre, spasmes intestinaux…) mais je crois que je ne voulais pas les voir. J’étais tout simplement dans le déni… Le diagnostic a pris un peu de temps car un médecin soupçonnait un banal problème d’hémorroïdes. Avec le recul, je me demande pourquoi je ne voulais pas voir les choses en face. Je crois que je me sentais invincible.
Quand j’ai fait les examens, le cancer était tellement avancé qu’on a dû m’opérer tout de suite. A l’annonce de la maladie, je me suis dit : « Bon c’est fini. Je ne serai plus jamais belle. On va abîmer mon ventre, mon corps ne sera plus jamais intègre ». Comme je suis adepte des méthodes douces, j’ai hésité à me faire opérer. C’est une amie sophrologue qui m’a dit : « Arrête de tergiverser. Tu dois te faire opérer, c’es tout». Heureusement, je n’ai pas eu à suivre d’autres traitements. Pas de chimio ni radiothérapie.
Aujourd’hui, je vais bien même si je reste encore fragile et que je dois respecter un équilibre alimentaire strict : j’ai dû supprimer les épices, les fruits et tous les aliments acides. Quand je prends mes repas en collectivité, cela me dérange de devoir expliquer pourquoi je ne peux pas manger telle ou telle chose. Comme je n’ai pas envie de raconter ma vie à tout le monde, je dis simplement que je suis allergique. C’est plus facile pour moi.
Je crois que ce cancer n’est pas arrivé par hasard. J’ai fait beaucoup de travail personnel sur moi auparavant donc je suis consciente de l’impact des émotions sur la santé. A l’époque, je vivais mal diverses formes de rupture avec mon entourage (ex-mari, enfants, mère et ex-belle-famille) et j’étais insécurisée sur le plan relationnel. Je ne me respectais pas sur le plan émotionnel et affectif. L’opération a été le déclic pour faire des choix : j’ai pris des décisions en cohérence avec ce que je suis au plus profond de moi. Cela m’a permis de recréer un lien juste avec moi-même. J’ai retrouvé mon mari dont j’étais séparée depuis 10 ans et comme la sève printanière redonne vie à un arbre qui semble mort en hiver, l’amour a rejailli et nous nous sommes remariés. Avec le cancer, j’ai dû annuler tous mes stages. J’avais envoyé un mot aux stagiaires : « Contre vents et marées, l’être poursuit sa percée ». J’avais conscience que cette maladie allait me ramener vers moi. Nous avons tellement de choses inconscientes en nous ! Nous pouvons envisager la maladie comme une expérience pour nous aider à cheminer.
Aujourd’hui, je dirai que le cancer m’a appris à être plus authentique, à mieux me respecter. Vis-à-vis des émotions des autres, je suis en empathie mais je ne culpabilise plus. Je dis « oui » et « non » plus facilement. Dans ma relation à l’autre, je suis beaucoup plus juste. Pendant et après le cancer, j’ai effectué un travail de décodage biologique avec un thérapeute. Je suis remontée dans la généalogie de ma famille et j’ai pris conscience de tout l’historique du vécu d’humiliation des femmes dans ma lignée.
Quinze ans après, il m’arrive d’avoir encore des désordres digestifs quand je suis fatiguée ou que je traverse des perturbations émotionnelles. J’essaie de résoudre les choses par moi-même. Avec le recul que j’ai aujourd’hui, je me dis : « Qu’est-ce que j’aurai bien pu faire pour éviter le cancer ? » Je ne pensais pas que cela pouvait m’arriver. Même quand j’attendais les résultats, j’étais persuadée que j’échapperai au mauvais pronostic. Avec le cancer, j’ai perdu mon illusion de toute-puissance et une certaine innocence. Je me sais mortelle. Cela m’a permis de lâcher les œillères que j’avais et de revoir tout mon système de croyances. Le cancer m’a rendue plus humble. Intégrer ma part de vulnérabilité m’a rendue plus forte.
A la suite de la maladie, j’ai crée un séminaire sur le deuil. Par rapport à la mort, je me sens beaucoup plus libre et aussi plus sereine. Comme tout le monde, je crains la souffrance mais je n’ai pas peur de mourir. Aujourd’hui, je me réjouis de ce que j’ai. Paradoxalement, la conscience de la mort née avec le cancer m’a rendue plus vivante ».
Propos recueillis par Nathalie Ferron
Pour en savoir Plus
Geneviève Manent a publié plusieurs ouvrages dont « La relaxation pour les enfants» éditions J’ai Lu, 2013 « La relaxation au quotidien », Le Souffle d’or, 2009 et « Sur le chemin du deuil, prendre soin de soi du corps à l’être », Edilivre 2014.
Pour en savoir plus sur ses activités : http://www.manent-relaxation.fr/