De plus en plus d’établissements thermaux proposent une prise en charge des malades du cancer après leurs traitements. En quoi consiste-t-elle ? Quel est son coût pour le patient? Inventaire des lieux où se remettre des conséquences physiques et psychiques de la maladie et reprendre des forces au grand air.
Opportunité commerciale ou nouvelle prise en charge thérapeutique ? Les établissements thermaux ayant reçu l’agrément de la Sécurité sociale dans leurs indications dermatologiques et phlébologiques s’intéressent de plus en plus aux séquelles des traitements du cancer. Deux indications principales sont d’actualité : la prise en charge des cicatrices post-opératoires et des brûlures succédant à la radiothérapie, ainsi que le traitement du lymphoedème du bras survenant fréquemment après un cancer du sein.
Un bol d’oxygène et un temps de repos sont souvent indispensables pour retrouver des forces après la maladie. En plus de la fatigue, les séquelles des traitements s’avèrent plus ou moins importantes : sécheresse de la peau et des muqueuses, rougeurs, démangeaisons, douleurs articulaires et perte de souplesse, syndrome mains-pieds… La liste des désagréments est longue. « Nous nous préoccupons de tous les effets secondaires qui empoisonnent la vie des patients et pour lesquels les médecins ne savent le plus souvent pas quoi faire », explique le Dr Jean-Pierre Reyssac, dermatologue au centre thermal de la Roche-Posay. Selon les médecins, les bénéfices s’avèrent réels : « Toutes les femmes repartent dans un état physique et mental bien meilleur qu’à leur arrivée. Au bout de 15 jours ou à la fin de la cure, certaines me disent même pouvoir à nouveau dormir du côté où elles ont été opéré », poursuit le Dr Jean-Pierre Reyssac.
Les soins proposés
Si les vertus physio-chimiques des eaux thermales font partie intégrante des soins, le changement d’environnement et la prise en charge globale de la personne contribuent au ressourcement et au bien-être du curiste. « Faire une coupure dans un cadre agréable s’avère très bénéfique. C’est aussi un temps pendant lequel les personnes malades peuvent prendre soin d’elles sans avoir à se préoccuper du regard des autres», explique le Dr Jean-Pierre Rayssac. Le cadre thérapeutique autorise ainsi une certaine liberté : celle de se montrer tel que l’on est et de laisser tomber les masques. « Dans un centre thermal, toutes les femmes se retrouvent en peignoir blanc et en sandales. Les barrières sociales n’existent plus et le paraître est laissé de côté. Au début de la cure, les femmes qui ont perdu leurs cheveux se présentent avec une perruque mais très vite, elles s’autorisent à ne plus la porter», poursuit le dermatologue.
Bien souvent, le programme d’accompagnement proposé aux curistes dépasse le cadre strict du thermalisme. Ainsi, des groupes de paroles hebdomadaires sont souvent proposés aux curistes. C’est le cas dans le centre thermal d’Argelès-Gazost et dans celui de La Roche-Posay. Dans cet établissement, un gynécologue est là pour répondre à toutes les questions que les femmes se posent. « De façon sous-jacente, on perçoit toujours un traumatisme après un cancer. Les groupes de parole et le soutien qu’elles peuvent trouver ici dédramatisent la situation », souligne le Dr Jean-Pierre Rayssac.
Une cure thermale, c’est aussi l’occasion de prendre de bonnes habitudes et de modifier son hygiène de vie : se remettre au sport, veiller à ne pas porter de charges lourdes du même côté quand on a été opéré, éviter certains gestes, apprendre à connaître ses limites, etc. A Argelès-Gazost, des conseils thérapeutiques sont également prodigués aux femmes qui souffrent d’un lymphoedème : « On leur explique ce qu’est-ce gonflement, les gestes à faire et à éviter, l’intérêt de la contention, etc. On constate que les personnes sont souvent mal informées sur ces questions », déplore le Dr Patrick Bergugnat, angiologue et médecin thermal aux thermes d’Argelès-Gazost. Dans ce centre, des séances de gymnastique fonctionnelle et des cours d’aquagym sont également proposés. « Nous nous sommes aperçus qu’à chaque fois qu’on rajoutait un élément thérapeutique dans la prise en charge, on améliorait les résultats », explique le Dr Patrick Bergugnat. Séances de naturopathie, randonnées, cours de qi gong ou de yoga, soins esthétiques ou séances de relooking… un dispositif de prise en charge globale a été mis en place dans bon nombre d’établissements. Un bémol tout de même : ces soins complémentaires sont optionnels et ne sont pas toujours remboursés par la Sécurité sociale. Il convient donc de bien se renseigner auprès de l’établissement thermal avant de s’inscrire.
Quelles démarches et quel coût ?
Il est conseillé d’attendre trois ou quatre mois après la fin des traitements avant de programmer une cure thermale. Pour s’inscrire, une simple prescription de l’oncologue, du chirurgien ou du médecin traitant suffit. Les personnes sélectionnent ensuite l’établissement de leur choix et envoient leur demande de prise en charge à la Sécurité sociale. Le protocole de soins est entièrement pris en charge et remboursé pour les cures comprenant 18 jours de soins et certaines mutuelles participent aux frais de transport et d’hébergement. En revanche, les séjours plus courts et les mini-cures d’une semaine restent totalement à la charge des patients.
Quant à la durée de la prescription, elle varie en fonction des indications thérapeutiques. A la Roche-Posay, le Dr Jean-Pierre Reyssac estime qu’une seule cure suffit en dermatologie, tandis que le traitement du lymphoedème, plus difficile à traiter, nécessite des soins sur deux ou trois ans. « La première année, on peut réduire le volume du bras de 30 à 50%, mais la cure doit être reconduite pendant deux ou trois ans pour bénéficier de résultats pleinement satisfaisants », conclut le Dr Patrick Bergugnat.
Nathalie Ferron