Une fois passés les traitements lourds, les femmes ayant un cancer hormono dépendant (60 % des cancers du sein) n’en ont pas fini : afin de limiter le risque de récidive, leur est encore prescrit pendant 5 ans de l’hormonothérapie. Et pourtant, certaines la refusent ou l’arrêtent en cours de route. Effets secondaires, atteinte à leur vie de femme, bref, c’est pour elle le traitement de trop. Face à ces rebelles, quel discours du corps médical ?
Au bout de deux ans d’hormonothérapie, Elisa a expédié sa boite de comprimés à la poubelle. « J’avais l’impression de m’empoisonner », explique-t-elle. Puis, elle s’est concoctée une nouvelle hygiène de vie : alimentation équilibrée et bio, élimination des produits ménagers toxiques, Qi Gong, etc… Le tout sans en toucher un mot à son oncologue. Valérie, elle, a pris son traitement pendant trois ans. Puis elle s’est octroyée quatre mois d’arrêt, avant de se laisser convaincre par son médecin de le reprendre. « J’étais dépressive, je n’avais plus de vie intime, j’étais devenue associable, et je me bourrais d’anti-douleurs », raconte-t-elle. Et de fait, elle a cumulé bon nombre d’effets secondaires : libido en berne, migraines, douleurs articulaires, sautes d’humeur, et surtout des bouffées de chaleur provoquant des rougeurs très disgracieuses… « Les patientes sous hormono ont beaucoup de douleurs articulaires, et peuvent connaître une chute libre de leur libido, un problème qui est d’ailleurs largement sous évalué », reconnaît un oncologue.
« Ce n’est pas une vue de l’esprit. Un nombre non négligeable de femmes, entre 20 et 30 %, vont arrêter le traitement en cours de route », constate le Dr Pascale This, endocrinologue gynécologue à l’Institut Curie. Face à ces « rebelles », ce médecin tente de trouver les mots pour les amener à renouer avec leur médicament. « La baisse du risque de récidive est d’un facteur 2. Par exemple, si le risque est de 10 % à dix ans, il chute à 5 %. C’est un bénéficie majeur ». Pour autant, cette spécialiste de l’hormonothérapie entend parfaitement la complainte de ses patientes. « Bien sûr, on ne peut pas dire que l’hormonothérapie est absolument sans effet, mais j’essaye de les amener à relativiser », explique-t-elle. Par exemple, nombre de femmes prennent en grippe leur traitement par peur de vieillir prématurément. « Il y a un grand fantasme par rapport à cela, mais les femmes sont logiques : elles pensent que si on leur supprime l’action des œstrogènes, elles vont se faner plus vite ». Et de leur expliquer que les facteurs principaux du vieillissement sont avant tout : le tabac, le soleil, et l’héritage génétique. Puis, elle s’attache à passer en revue les effets secondaires afin de trouver des solutions appropriées. Face à la prise de poids, elle peut suggérer la reprise d’une activité physique et l’instauration d’un meilleur équilibre alimentaire. Ou encore, leur recommander des solutions pour contrer la sécheresse vaginale. « Il existe des gels lubrifiants à utiliser avant un rapport sexuel qui ne sont pas à base d’hormone », préconise-t-elle. Reste les problèmes de libido. « Là, on ne peut pas grand-chose. Cependant, on impute parfois ce manque de désir aux effets de l’hormonothérapie alors que d’autres éléments peuvent jouer tout autant, comme la dépression, le stress, l’anxiété mais aussi les séquelles physiques comme l’ablation ».
En tout état de cause, il est positif que les femmes ne soient pas des « patientes passives ». Que dès lors, elles s’interrogent sur le bien fondé de ces médications. Il s’agit de leur corps, de leur bien être, et de leur espérance de vie. A chacune de se sentir libre et d’opérer en son âme et conscience ses propres arbitrages. Anouchka