Reprendre son occupation professionnelle après un cancer n’est pas toujours facile. Si pour certains tout se passe bien, souvent grâce aux collègues et à une hiérarchie compréhensive, les craintes d’être déclassés, voire licenciés, assaillent de nombreux patients. Et se vérifient malheureusement trop souvent dans les faits.
« Après plus de six mois d’arrêt maladie, j’avais vraiment envie de reprendre le travail, explique Claire. Retrouver mes collègues, mon bureau, mes habitudes. Et tourner la page sur le cancer, enfin ». En 2007, Claire, est cadre dans une grande banque lorsque le diagnostic tombe : à 42 ans, elle est victime d’un cancer du sein. Après 8 mois d’arrêt maladie, c’est avec joie qu’elle retrouve son poste et son bureau dans une grande tour parisienne. Avant de déchanter rapidement. « Alors que le travail avait été une soupape dans les premiers instants du cancer, à mon retour, tout le monde était au courant et venait m’interroger sur l’état de ma santé. J’avais sans cesse l’impression de devoir prouver ma pleine forme et ma capacité à assumer mes responsabilités. Surtout face à mes supérieurs hiérarchiques ». Pendant plusieurs mois, Claire bataille pour récupérer les importants dossiers qu’elle traitait auparavant et s’interdit tout nouvel arrêt maladie pour « regagner la confiance » de son chef. « Je m’en rends compte maintenant : pour éviter d’être placardisée, j’en ai fait dix fois trop à cette époque ».
Des craintes souvent fondées
Etre placardisé, ne pas retrouver ses fonctions, subir un déclassement professionnel, telles sont les craintes souvent exprimées par ceux qui ont été victimes d’un cancer. Malheureusement, cette inquiétude se vérifie dans les faits. Une étude de l’Institut Curie, portant sur 402 salariés d’Ile de France, montre que, plus de deux ans après le diagnostic, 20 % d’entre eux s’estiment pénalisés à cause de la maladie. Entre autres discriminations, ils évoquent des baisses de responsabilités et des refus de promotion. « Cette attitude du monde de l’entreprise peut avoir un effet pervers sur des convalescents, prévient Cécile Ferretti, assistante sociale à la Pitié Salpetrière. J’ai eu des patients très motivés dans leur retour à l’emploi qui, à force d’en faire trop pour prouver leurs capacités, sont revenus sur les rotules à l’hôpital quelques mois plus tard . »
Un retour mal préparé
Cathy, elle, a choisi une autre solution, le mi-temps thérapeutique. « J’avais des craintes et je ne me sentais pas capable de reprendre à temps complet, se souvient cette jolie brune. En revanche, il était important pour moi de remonter très vite en selle car cela ne faisait au fond que retarder l’échéance. Reprendre le travail, cela a été un combat pour la vie, au même titre que vaincre la maladie ». Cathy l’avoue, elle a eu la chance d’être appuyée par ses collègues dans sa démarche. Ce qui, dans le cas du mi-temps thérapeutique, n’est pas toujours chose aisée, comme nous l’explique Cécile Ferretti. « Certains patrons acceptent la démarche mais n’allègent absolument pas la charge de travail de leurs employés. Ces derniers doivent donc effectuer sur deux ou trois jours, les tâches d’une semaine. Imaginez le stress ! ». Autre cas de figure : pour compenser le mi-temps, ce sont les collègues qui reçoivent une charge de travail supplémentaire. Un management par « le manque »qui engendre tensions et discordes au bureau.
Dans certains cas, la situation peut s’avérer bien pire, allant jusqu’au licenciement abusif et nécessitant le recours aux Prudhommes. « Selon la loi, un employeur ne peut pas licencier quelqu’un pendant son congé maladie, rappelle Cécile Ferretti ». Certes, mais le licenciement peut parfois être justifié si l’employeur prétend que l’absence du travailleur malade est une gène vitale pour l’entreprise. (Voir l’encadré ci-dessous et la vidéo de Fabienne Jégu, responsable du pôle santé handicap à la HALDE)
Beaucoup de témoignages le confirment : le retour au travail est aujourd’hui encore bien trop mal préparé par les patients. « On nous consulte pour des problèmes financiers ou liés à l’administratif, confirme Cécile Ferretti, mais bien trop peu pour le travail. Ce qui est fort dommage car plus on est renseigné et mieux pourra-t-on vivre le retour à la vie professionnelle ». L’étude de l’Institut Curie abonde également dans ce sens : seul 24 % des sondés avaient bénéficié d’une visite de pré-reprise, destinée justement à anticiper et préparer au mieux ce fameux retour.
Cécile Cailliez
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