Refaire l'amour après le cancer | la maison du cancer

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La sexualité est bouleversée par le cancer, mais ce sujet si vital est encore peu évoqué dans les services d’oncologie. Que devient le couple après la maladie ? Le retour à une vie sexuelle épanouie est-il possible ? Tout est question d’envie, d’adaptation et de personnalités. Et de retrouvailles qui se préparent dès l’apparition de la maladie.

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« Si votre vie sexuelle était satisfaisante avant la maladie, si vous gardez un bon lien relationnel avec votre conjoint et si la curiosité érotique est toujours là, pas d’inquiétude, vous reprendrez une vie sexuelle tout à fait satisfaisante après le cancer ». Les propos du Dr Marie Veluire, gynécologue et sexologue, sont une bouffée d’air quant au sujet encore tabou de la sexualité et du cancer. Nombre d’anciens patients, une fois le crabe vaincu, s’estiment déjà bien heureux d’en être sortis. Alors la sexualité ? Même si les difficultés sont là, on n’en parle pas, ou très peu, avec son médecin.

Les dégâts du cancer

Pourtant, le cancer impacte durement la vie sexuelle. Sur le plan physique tout d’abord : les traitements anticancéreux peuvent entraîner une baisse importante de la libido, l’apparition d’une sécheresse vaginale ou des difficultés pour avoir une érection. Le rapport à son corps peut être également modifié, parfois directement dans la sphère sexuelle, comme lors de l’ablation d’un sein, ou d’un testicule. « C’est toute l’image du corps qui est pulvérisée, explique Caroline Leroux, psychologue clinicienne et sexologue. Or, dans la sexualité, il faut un lâcher-prise, et celui-ci devient très difficile lorsque l’on est mal à l’aise dans ce corps cabossé». Aux conséquences physiques, s’ajoutent souvent un épisode de dépression qui influe directement sur l’envie de faire l’amour. Un corps modifié, la peur de souffrir ou de ne pas y arriver et une libido en berne, tous ces éléments ne favorisent en rien le retour sous la couette.

Désacraliser la sexualité ?

Mais après tout, est-ce si important ? Telle est la première question à se poser selon le Dr Marie Veluire, mais aussi : quelle place tient la sexualité dans votre équilibre de vie ? Est-elle un élément fondamental au  bonheur de votre couple ? « Je vois bien souvent des femmes et même des hommes qui se fichent totalement de ne pouvoir reprendre une vie sexuelle comme avant. Pour d’autres couples, par contre, cela est une vraie souffrance. Cela varie évidemment, selon l’âge, le type de cancer, l’état de la relation. Mais pourquoi sacraliser à ce point le rapport sexuel au sens de pénétration ? Un bon fou rire peut être un signal de vie aussi fort qu’une séance de galipettes !».

S’adapter, trouver un nouvel équilibre pour leur couple, c’est ce que tentent de faire Claude et Annie. Il y a deux ans, à l’aube de ses 65 ans, Claude a eu un cancer de l’estomac dont il s’est relevé très affaibli. « Mon mari a toujours été quelqu’un d’imposant, très bricoleur, très « homme » quoi, confie Annie. Le cancer lui a fait perdre beaucoup de poids qu’il ne reprend pas, et il a beaucoup de mal avec sa nouvelle apparence. Au-delà du physique, c’est surtout son humeur qui a changé. Il est beaucoup plus taciturne qu’avant, soupe au lait. Alors la sexualité, on y revient, mais tout doucement ».

La relation d’Annie et Claude a été durement mise à mal pendant la maladie, les contacts physiques étaient quasiment absents. Il a fallu ensuite plusieurs mois pour qu’ils aient de nouveau un rapport sexuel. « Claude n’était plus du tout demandeur et moi, j’avais peur de me faire envoyer sur les roses, explique Annie. Et puis, pour tout dire, je n’en avais pas non plus très envie ». Finalement, après des vacances avec leurs enfants et petits-enfants, Claude a peu à peu retrouvé sa joie de vivre, sa quiétude. Et le désir est revenu. « Soyons francs, ce n’est pas tout feu tout flamme non plus, raconte Annie en souriant. Mais on est à nouveau complices, les petits mots sont plus présents ainsi que les gestes d’affection. La tendresse quoi. Pour nous, c’est le plus important. Le reste viendra avec le temps ».

Prévenir plutôt que guérir

Le rôle du compagnon est primordial pour retrouver ou créer un nouvel équilibre. « Il faut absolument dialoguer, rassurer la personne, lui dire qu’on la désire toujours malgré la perte de ses cheveux ou son sein en moins », insiste Caroline Leroux. « Mais attention, sans maternage, prévient le Dr Marie Veluire. Rien n’est plus castrateur, pour un homme qui aurait des problèmes d’érection par exemple, que de voir sa femme se transformer en maman ». Un couple qui aura réussi à garder des moments de sensualité pendant le cancer reviendra d’autant plus facilement à une sexualité épanouie par la suite. Des moments aussi simples que regarder la télévision dans les bras l’un de l’autre permettent déjà de garder le contact physique.

Carole et Christophe ont eu cette chance de renouer facilement avec leur sexualité. A 35 ans, cette jolie brune apprend qu’elle a un cancer du sein, dont elle sortira indemne sans subir d’ablation. « Ma plus grande peur », avoue-t-elle. « Une fois que j’ai appris ma guérison, j’ai eu tout de suite envie de rentrer de nouveau dans un rapport de séduction avec mon mari. J’ai usé de jupes et sous-vêtements sexy, j’ai voulu sortir à nouveau, aller au resto, même à l’hôtel. Comme pour pallier cet épisode de ma vie où je me suis sentie si mal et, pour être franche, si peu attirante. Je dirai même repoussante ». Cette période passionnelle a duré quelques mois et lui a permis de tourner la page. Aujourd’hui, la vie sexuelle de Carole et Christophe a retrouvé un rythme plus tranquille.

Oser se faire aider

User de pastiches, comme des perruques, un haut un peu sexy peut aider, surtout les femmes, à se sentir en confiance. « Il faut aussi accepter l’idée d’une sexualité plus médicalisée, ajoute la sexologue Caroline Leroux, avec l’utilisation de crèmes contre les sécheresses vaginales où de viagra si il y a des problèmes d’érection ». Bref, il faut s’adapter, voir se faire aider si la situation ne s’arrange pas et en devient douloureuse. « La sexualité est encore tabou dans les services d’oncologie, regrette le Dr Marie Veluire. Pourtant un patient doit s’autoriser à demander à son médecin : « pourquoi n’ai-je plus d’érection, pourquoi ai-je mal lorsque je fais l’amour ? » au même titre que « pourquoi ai-je  des diarrhées ou des vomissements ? ». Et même durant la maladie ! ». Plus tôt la question de la vie sexuelle sera abordée, aussi bien avec son médecin qu’avec son compagnon, et plus le retour à la sexualité se fera en douceur.

Cécile Cailliez

Le site de Caroline Leroux