Cancers pédiatriques : quel suivi à l’âge adulte ? | la maison du cancer

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Lorsque, enfant, on a été touché par le cancer, on peut craindre pendant longtemps d’en subir des conséquences physiologiques. Mais comment rester vigilant tout en vivant au mieux sa vie d’adulte bien portant ? Une consultation dédiée à cette population « à risque » a été créée à l’Institut Gustave Roussy. Explications. 

En France, ils sont 25 000 adultes à avoir eu un cancer pendant l’enfance. Ces cancers sont différents de ceux des adultes : environ 75 % des enfants guérissent (tous types de cancers confondus). Mais après la rémission, les anciens malades restent souvent fragilisés par cette épreuve, et surtout ils ignorent sur quels points porter leur vigilance. Aussi une consultation spécialisée pour eux a ouvert à l’Institut Gustave Roussy (Villejuif).

« Après une large enquête auprès de cette population, nous nous sommes rendu compte que ces anciens malades connaissaient mal le suivi qu’il leur fallait, explique Odile Oberlin. cancérologue pédiatre à l’IGR depuis 30 ans. Leur dernière consultation remontait parfois à l’adolescence, les messages pouvaient ne pas avoir été transmis et les connaissances ces dernières années ont fait évoluer ces recommandations ».

Mais revenir à l’Institut n’est pas forcément une démarche facile : outre l’éloignement géographique possible, le lieu peut être trop chargé d’émotions.

« Seul un tiers des enfants malades traités dans notre institut reviennent nous voir pour le suivi à l’âge adulte, observe Odile Oberlin.Cette consultation longue, une heure ou plus, faite de façon conjointe par un oncopédiatre et un généraliste est l’occasion de comprendre à distance ce qui s’est passé dans l’enfance, pouvoir en parler, connaître son état de santé et être rassuré si nécessaire, dépister des complications potentielles avant qu’elles ne soient parlantes ».

Les risques physiologiques

Car si la probabilité d’une rechute s’éloigne avec le temps, les « anciens malades » courent à long terme un risque accru de divers problèmes de santé. 

Subir de la chimiothérapie ou de la radiothérapie pendant l’enfance n’est en effet pas sans conséquence sur les cellules sensibles des enfants. « Certains tissus sont très sensibles à une irradiation reçue dans l’enfance et le risque de développer une tumeur bénigne ou un cancer du sein ou de la thyroïde à un âge jeune est plus important que dans l’ensemble de la population, précise la pédiatre ». Outre les traitements reçus pendant l’enfance, exitent aussi des prédispositions génétiques qui augmentent le risque de cancer secondaire. Toutefois,Odile Oberlin se veut rassurante : « Les tumeurs secondaires survenant à l’âge adulte ont les mêmes chances de guérison que les autres cancers, même s’il faut les traiter en tenant compte des traitements reçus dans l’enfance ».

L’irradiation du cerveau, quant à elle, entraîne un risque d’accident cérébro-vasculaire d’où l’importance d’une surveillance régulière du cerveau par IRM pour détecter des anomalies vasculaires traitables prévenant l’apparition d’un accident. En fonction des traitements reçus (chimiothérapie par anthracyclines – adriamycine, epiadriamycine – ou irradiation du cœur) une surveillance par échographie cardiaque est indispensable pour dépister et traiter des anomalies cardiaques avant qu’elles ne deviennent parlantes et éviter d’arriver à un stade où la transplantation cardiaque serait le seul traitement possible.

Reste aussi la question de la fertilité. En effet, les cellules reproductives sont bien souvent affectées par les traitements contre les cancers pédiatriques, même avant la puberté. Mais tous les espoirs ne sont pas perdus, grâce aux techniques d’aide médicale à la procréation, qui peut aller jusqu’à l’ICSI, où avec un seul ovule et un seul spermatozoïde, il est possible de créer un embryon.

La prise en charge du suivi

Les consultations de suivi à l’Institut Gustave Roussy sont entièrement prises en charge financièrement, même si les patients n’ont pas de mutuelle. Les examens utiles au suivi de ces adultes qui n’ont plus la prise en charge ALD dont ils avaient bénéficié lors du traitement de leur cancer peut désormais être pris en charge dans le cadre du dispositif suivi post-ALD. Mais ça n’a pas toujours été ainsi: « Je me souviens du cas d’un jeune homme de 19 ans, en 1995, qui n’avait pas les moyens de payer les consultations de suivi dont il avait besoin. J’ai fait la demande à la sécurité sociale de prendre en charge à 100 % ses consultations, mais elle a été refusée. Trois mois après, le jeune homme s’est retrouvé en réanimation pour une décompensation cardiaque qui aurait pu être dépistée et traitée. C’était avant 2011, maintenant les choses ont changé, précise la pédiatre ».

Beaucoup de problèmes de ce type se posent pour ces adultes. Une association d’anciens malades s’est d’ailleurs créée, les « Aguerris ». Ceux-ci se mobilisent pour améliorer la qualité de vie des personnes ayant souffert d’un cancer pédiatrique.

Cécile Pinault

Plus de renseignements sur les consultations dédiées aux adultes ayant eu un cancer pendant l’enfance à l’Institut Gustave Roussy :

Le site Cancer Enfants et leur campagne au profit de la lutte contre le cancer de l’enfant : Gustave Contre le Cancer

Pour en savoir plus sur les Aguerris et leurs actions.